Conférence de Philippe Haudrère, professeur émérite des universités, de l'Académie de marine
mardi 18 février
Durant sa période de plus grande activité, entre 1720 et 1770, la Compagnie des Indes a recruté environ 650 personnes pour accomplir les opérations commerciales en Inde et en Chine. Elle dispose de 150 places et le renouvellement est assez rapide en raison d'une forte mortalité - plus de 20 % - durant les deux premières années du séjour Outre-mer.
Pour l'essentiel ce sont des jeunes gens engagés vers l'âge de 25 ans après un " noviciat " de trois à six ans dans les bureaux de la compagnie à Paris. Ils viennent surtout de Paris (31 %) et des villes de Bretagne, surtout Nantes, Rennes et Lorient (21 %). Pour un tiers, ce sont des enfants d'employés de la compagnie, pour un autre tiers des fils de négociants, et pour le reste ils appartiennent à des familles engagées dans le service de la Ferme générale et dans celui de la justice royale. On trouve aussi quelques négociants plus âgés (environ 40 ans) qui tentent de rétablir leur fortune après une faillite.
En Asie, le personnel est inscrit dans une hiérarchie de quatre grades entre lesquels il progresse régulièrement de sept en sept ans. Leurs activités commerciales ne sont pas très prenantes et ils ont le temps nécessaire de mener une vie sociale en participant à des réceptions, à des groupes de musique de chambre et en lisant. Souvent célibataires, ils épousent les filles des familles d'origine européenne du comptoir, généralement beaucoup plus jeunes qu'eux-mêmes (18 ans d'âge moyen pour les épouses ; 31 ans et demi pour les époux au mariage).
Le service de la compagnie est médiocrement rémunéré, mais les possibilités d'enrichissement personnel sont importantes, en particulier par des investissements dans le commerce maritime local, nommé par les Français "d'Inde en Inde". D'autres employés, curieux du monde dans lequel ils vivent désormais, à l'instar de Dupleix, tentent de comprendre les civilisations orientales et réfléchissent aux moyens de développer le commerce des Français en Asie en passant des accords avec les puissances locales.
Les Indes Orientales en pacotilles. Le commerce privé des gens de mer de la seconde Compagnie des Indes
Conférence d'Eugénie Margoline-Plot, docteur en histoire moderne
mardi 8 avril 2014 - 18h30
L’histoire du commerce avec l’Asie occupe une place déterminante dans l’histoire de la Bretagne tout au long du XVIIIe siècle. Les importations de cotonnades, monopole des grandes Compagnies des Indes, arrivent à Lorient dès 1666 et s’y vendent exclusivement à partir de 1734. La consommation de ces étoffes sur le territoire est largement attestée malgré une législation prohibitive qui en interdit très tôt le port, l’usage et la fabrication dans le royaume. Ce nouveau goût nourrit rapidement une fraude considérable, à laquelle le commerce privé des équipages des vaisseaux pour les Indes n’est pas étranger.
Les « pacotilles », visibles dans les inventaires des hardes des marins morts en mer, sont le reflet du succès des cotonnades. Cette économie parallèle, pas totalement illicite quand elle est pratiquée avec modération, irrigue tout un tissu social par capillarité. Les enjeux spéculatifs de la pacotille sont considérables.
Cahier d'un retour au pays natal - Arm (textes) & Olivier Mellano (guitare/samples) - Extraits de l'oeuvre poétique d'Aimé Césaire
Il semblait pertinent d'inviter ces deux artistes à présenter cette réappropriation des écritsd'Aimé Césaire à Lorient dans le cadre des manifestations commémorant l'abolition del'esclavage. L'association entre MAPL et le musée de la Compagnie des Indes est très vite apparue comme une évidence. Le Roi de France n'avait-il pas en effet confié le monopole de la traite des esclaves à la Compagnie des Indes en 1723 ? Le souvenir de ce passé douloureux est évoqué au musée.Cette lecture musicale offre une mise en perspective originale sous la forme d'un écho relié au monde contemporain, de l'histoire de la ville, indissociable de celle de la Compagnie des Indes, et plus largement du passé esclavagiste puis colonial de la France.
Conférence de Catherine Coquery Vidrovitch, spécialiste de l’Afrique et professeur émérite de l’université Paris Diderot
mardi 20 mai
En Afrique, aux Antilles et sur le continent américain, les esclaves ont été des acteurs majeurs et pourtant largement mésestimés de l’histoire de l’esclavage. À rebours de l’historiographie dominante, et en se reposant sur les nombreux récits de vie qu’ils ont écrits ou transmis, il s’agit de montrer qu’ils ont contribué à l’évolution culturelle et sociale des côtes et de l’arrière pays africains, à la création de nouvelles sociétés métissées, et à l’invention de formes de résistance dont la révolution haïtienne marqua le sommet.
Conférence de Brigitte Nicolas, conservateur en chef du musée de la Compagnie des Indes
mardi 14 octobre - 18h30
Rêve de fortune, voilà le dénominateur commun aux 150 000 hommes et femmes passés sur les vaisseaux de la Compagnie des Indes française au XVIIIe siècle. Depuis Marco Polo et ses descriptions fabuleuses de l'Inde et de la Chine, pays où les pierres précieuses poussent sur les arbres et les diamants se trouvent dans les nids d'aigles, la quête des Indes orientales est assortie de son lot de promesses mirifiques. Celle d'une vie meilleure est déjà un serment que peu d'entre eux concrétisent.
La consultation des archives révèle que l'engagement au service de la Compagnie des Indes est synonyme de souffrance et de sacrifice, de maladie, d'exil et de misère pour beaucoup de marins et d'anonymes qui y laissent souvent leur vie. Les inventaires après décès des marins morts à bord en offrent des témoignages saisissants.
Redonner vie à tous ces anonymes relève de la gageure en raison de l'immense déficit iconographique qui caractérise le souvenir de la Compagnie des Indes française. Aussi, la découverte récente d'un portrait d'un capitaine d'infanterie de la Compagnie des Indes et d'une maquette réalisée par l'un de ses pilotins constitue un formidable témoignage documentaire qui propulse ces deux oeuvres modestes au rang d'objets exceptionnels.
Ecouter la conférence de Brigitte Nicolas sur Duliron